Monastère Sainte Catherine du Mont Sinaï.
Partie I
Le monastère est dépendant de l'archevêché orthodoxe du Sinaï et il est lié canoniquement au Patriarcat de Jérusalem.
Lorsque l’on parcours le dernier kilomètre a pieds sur ce sol rocailleux lissé par le temps et les pas des pèlerins il est aisé de sentir l’histoire écrite sous nos pas. A droite du chemin un jardin d ´eden. Des arbres fruitiers, des plantes odorantes et puis des serres. A l’intérieur de ces serres poussent 26 plantes. Elles sont uniques au monde. Plantes médicinales transmises au fil des millénaires aux 24 moines résidents et gardiens du Monastère.
Et le Monastere apparait. Aucune majesté dans cette vision mais une humilité palpable. Des formes rondes douces qui se dessinent dans le ciel bleu. Sa couleur est ocre les murs sont eux aussi lissés par le temps et le vent doux du désert. J’y pose mes mains et mon visage, je ferme les yeux . Je suis seul visiteur en ce jour bénit. Les anges m’accompagnent, pour ne citer qu’eux. J’écoute la pierre. l’humain que je suis n entend rien. Mon âme elle se délecte. Je reste ainsi un long moment. A mes côtés des bédouins m’observent en silence dans cette posture qui signifie que le temps n’existe pas. Seul le soleil régit le court des choses. Au monastère seul les hommes bédouins ont le droit d’y vivre et d’y travailler. C’est pour eux un cadeau de Dieu dont ils savourent cette bènédiction. Ils n’attendent rien d’autre, ils ont rien, ils ont tout.
A mes cotes mon chauffeur-secrétaire Ala offert par un mystérieux mécène, mon guide bédouin Ali et un jeune garçon Abdu qui va veiller sur mes besoins en eau, café toute la journée.
Je m’éloigne doucement du mur d’enceinte et me dirige derriere mon guide vers le porche d’entrée.
Le voyage peut commencer.
Partie II
Le Buisson ardent est le lieu ou Dieu, Yahvé va appeler Moïse de l’intérieur de ce buisson. Il brûlera sans jamais se consumer. Il s’agit là de la théophanie ou manifestation de Dieu à Moise sur le mont Horeb.
…une fois le portail passé j’arrive dans ce qui pourrait être un petit village. Ali me précède, il me fait signe de tourner sur ma gauche puis il me montre un gigantesque buisson. Il est composé de ronces, de plantes grimpantes d’un vert tendre. Il mesure plusieurs mètres de hauteur. « Voici le buisson ardent ». Je suis bien sur béate devant la symbolique de ce mûrier sauvage mais je lui demande si nous sommes certain que ce buisson prend ses racines dans celui de Moïse ? La réponse d’Ali est pleine de sagesse : « toute racine prend dans la terre et quand elle meurt sa poussière retourne à la terre et ce buisson est bien devant toi. » oui en effet. Il ouvre une petite barrière qui le protège de visiteurs indélicats et m’invite à le toucher. Alors comme avec le mur d’enceinte du Monastère, je caresse la plante les yeux fermés, je la respire et je laisse mon imagination remonter le temps. L’air au Monastère est doux, délicat et parfumé. Nous sommes à 1500 mètres d’attitude.
Nous poursuivons la promenade.
Le puit de Moïse du Mont Horeb. A l’âge de 40 ans, après s’être enfuit d’Egypte, Moïse parti en direction du Mont Horeb. Et c’est là devant ce puit qu’il fit la connaissance des 7 filles de Jethro, venues abreuver leurs troupeaux. Il épousera l’une de ses jeunes bergères, Sephora.
La margelle et le puit sont recouverts d’une épaisse plaque de verre. Ali me propose de regarder au fond du puit. Je lui demande ce que je pourrais y voir.
« Tes yeux ne verront peut-etre que de l’eau mais ton âme y verra ce que tu es venue trouver ». Je me suis donc allongée sur la vitre et j ai scruté l’eau noire du puit. Il est éclairé de l’intérieur, j’ai pu ainsi y voir mon reflet glisser dans les profondeurs. Et tout ce temps un état de grâce s’inscrit en moi.
La ruelle descend légèrement et nous mène vers le but ultime de ma venue : les manuscrits sacrés. Ils sont au nombre de 3400, j’en verrai 26. Je découvrirai également les icônes datant pour la plupart du XIII ème siècle.
Je vais être comblée au delà même de mes rêves…A suivre.
Partie III
Sa bibliothèque et ses Icônes.
Juste derriere la bibliothèque apostolique vaticane, la bibliothèque du monastère grec-orthodoxe du Mont Sinaï, contient la deuxième plus grande collection de manuscrits anciens au monde. Près de 4 500 manuscrits datant en partie du IVe siècle. Des manuscrits en syriaque et en arabe. Des textes chrétiens, copies des Évangiles. Et puis des ouvrages de science, de médecine et de grands classiques grecs. D’ailleurs une large partie de ces manuscrits sont en Grec. Certains volumes sont en hébreu, en copte, en arménien, en valaque, géorgien et slave. Regarder au travers leurs vitrines vingt six de ces manuscrits sacrés est un cadeau divin, un instant suspendu. Par capillarité j’ai tenté de capter une partie de ce savoir…
J’ai pu admirer une sélection d’ Icônes parmi les 2000 présentes au monastère. Certaines datent de l’époque de l'art byzantin et se partagent entre traditions orthodoxe et latine. La magie de l’orient et de l’occident offre une grande et tres rare diversité iconographique. En grande partie ces Icônes datent du XIII ème siècle. Certaines ont été peintes au Monastère, d’autres à Constantinople.
Je suis autorisée a poser ma main sur le coffre de marbre blanc qui a contenu les reliques de Sainte Catherine.
Enfin le Saint Graal de mon voyage : j’ai pu contempler le parchemin du Codex Sinaiticus selon l’évangile de Saint Luc. Le Codex Sinaiticus est un des deux plus anciens manuscrits de la bible qui rassemble à la fois l'Ancien et le Nouveau Testament.
Toutes paroles seraient superflues pour exprimer mon émotion encore vivace deux jours après mon retour.
Le monastère Sainte-Catherine du Sinaï est inscrit à la liste du Patrimoine mondial de l'humanité établie par l'Unesco depuis 2002.
Parti IV
L’intangible état de grâce.
Au sortir de la bibliothèque je me sens à la fois remplie d’un savoir nouveau et allégée du superflu. Je flotte un peu étourdie comme à la descente d’un manège. Mes anges Ala et Ali respectent mon silence. Ils sentent que cet instant a quelque chose d’irréel et de crucial. Nous descendons à la librairie, mon Pope est là vieil homme majestueux dans sa tenue qui semble être sa peau même. Il m’accueille me scrute au fond des yeux et me prends la main. J’ai cinq ans. Je ne bouge plus de peur que la magie s’arrête. « tu es arrivée, maintenant vas, transmets ». Il m’offre un chapelet qu’il a pris soin de bénir. Puis il me tend des petits papiers blancs et me propose d’y écrire mes prières et souhaits pour chaque personne de mon entourage. Alors je m’exécute avec recueillement. N’oublier personne, avoir les mots justes ; puis je lui remets mes mots doux, il les plie dans sa poche et me confirme qu’ils s’envoleront à la prière du soir. J’ose lui demander une photo ensemble, tout fière et délicat il me serre dans ses bras. Je suis au paradis. Nous parlons d’Athènes où j’ai vécu dans ma jeunesse, il s’enflamme un brin et devient l’espace d’un instant bavard et joyeux comme si ma présence le sortait de sa vie monastique. Au moment de nous quitter il me regarde une dernière fois et pose sa main droite sur ma tête. Je pars à reculons tellement sa lumière m’attire.
Mes amis m’offre humblement une jolie croix et une bague. Toutes ces marques d’amour me réjouisses.
Nous revoilà a l’air libre et Ali m’emmène par un petit chemin dérobé voir le monastère de dos. C’est beau et immuable, le temps n’a aucune prise sur la pureté du lieu.
Pour redescendre Ali m’apprend la marche du chameau qui consiste a marcher en se balançant d’un pied sur l’autre lentement. Je m’appuis sur son bras tendu comme il le ferait avec un faucon .puis il m’invite au café des bédouins qui se trouve en prolongement du massif rocheux. Je rentre donc dans un petit jardin et nous nous installons sous les oliviers.Que des bédouins hommes, de tous âges. Assis sur un petit muret un homme vêtu de sa galabaya et coiffé d’une shemagh. Il n’a plus d’âge mais porte beau, une présence impressionnante. il m’observe sans rien dire . Puis il m’adresse la parole dans un anglais parfait. Et il me raconte des histoires d’antan sur le monastère. Je me sens dans un roman de Tahar Ben Jelloun écoutant parler le vieil homme assis aux portes du désert du Sinaï. C’est l’heure de repartir. Des images valsent dans mon esprit et mon âme est au paradis . Un portail temporelle c’est ouvert à moi et m’a laissé accéder a une infime partie de la connaissance divine. Dieu se manifeste, j’ai reçu un précieux cadeau, son nom : l’état de grâce.