Mont Sinaï : coup de Gueule de l’ange.
La nuit est bleue, l’air doux et parfumé, les oiseaux font silence.
Nous prenons la route avec Magdi, mon chauffeur. L’homme est aussi massif que timide. Il baragouine un brin la langue de Shakespeare et compense nos silences par un bon sourire. Il sent bon la lavande, la clim est a fond et une lancinante musique orientale nous berce.
Nous prenons une autoroute pharaonique bordée de palmiers qui va nous mener d’Adaba au Monastère du Mont Sinaï. Je me sens telle Cleopatre rejoignant son temple ou l’attend Marc Antoine. Mon coeur est leger, mon âme en joie et mon esprit libre.
Je pars remplir une mission divine. En effet dans ma besace je détiens des minis rouleaux porteurs de prières, de rêves, de souhaits, dont je suis le messager. Ils appartiennent à mes amours, mes disciples, mes amis. Je vais fouler le sol où Moïse a reçu les tables de la Loi de la parole même de Dieu, m’agenouiller aux pieds du buisson ardent et me rendre dans le jardin d’Elie afin d’enterrer ces voeux aux pieds des Cyprès. Puis je me rendrai dans la bibliothèque des manuscrits sacrés et je terminerai en admirant des icônes datant pour certaines de l’an 300. J’y vais en émettant l’intention que par capillarité elles me dévoilent leurs secrets si longtemps protégés.
Pendant que nous roulons, je vis l’instant présent en ressentant pleinement l’état de grace qu’il m’est offert de vivre. Mais dans les minutes qui vont suivre le rêve va s’évanouir. Nous venons de quitter l’autoroute et nous avançons maintenant au rythme du chameau dans le désert. Et la valse des checks points commence. A chaque barrage, un militaire approche bardé d’armes en tous genres. Fière, arrogant du pouvoir de l’instant. Le chauffeur présente papier et autorisation. Puis vient mon tour. Ne jamais descendre de la voiture sans y être invitée. Le militaire se penche me regarde. Ne pas sourire…Il me demande si je parle « arabique », je fais signe que non et c’est l’heure des palabres. C’est la troisième fois que je monte au Sinaï, j’en connais les arcanes et pourtant ce matin , tout dérape . Le ton monte, des téléphones passent de main en main. Et pendant ce temps le jour se lève et mon coeur s’écrase. Puis le couperet tombe : nous devons faire demi-tour. Pourquoi? La question reste encore sans réponse, ma sécurité, puis une femme française seule dans le désert « nous ne voulons pas avoir de souci avec les autorités françaises ». J’apprends au détour de la conversation que si j’étais Russe ils m’auraient laissé passer ?! Discrètement je demande a mon chauffeur si nous pouvons envisager un «arrangement » au nom de l’amitié franco-égyptienne ? Et non car ils sont quatre, il eut fallu qu’il ne soit que deux…. La nébuleuse s’instaure. L’ange en moi sent « la beuglante » monter.
En repartant je m’arrête aux pieds de la montagne afin d’y déposer mes intentions. Déjà le soleil rougeoie et dans son halo je vois mes prières monter. L’Amour sort toujours vainqueur.